Digression en GUISE DE préambule
Etrangeté que de vouloir tenter de savoir comment cette terre que j’ai foulée tant d’années dans l’insouciance de l’enfance en la savourant telle qu’elle se présentait, sans me préoccuper ni du passé ni de l’avenir, ni de chercher à comprendre comment ce petit bout de terroir provençal s’est transformé dans le temps… !
Etrangeté que cette démarche d’aller à la recherche d’un passé que je n’ai pas connu… Ne serait-ce pas pour la raison que « Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres… A. de Tocqueville »
Ma mère n’a eu de cesse d’entretenir ou de faire revivre les terres aux noms chantants dont elle a hérité : La Rimade, l’Iscle, les Prés de Vins, les Saintes Vierges, la Font de Louire, le Camus (le Claoul de l’église), la Guargue (les plaines), les blaques (Castel L’amar)… Je me souviens la voir partir du Camus avec un immense plaisir bras dessus bras dessous avec Claude (Bonnet) pour aller visiter ces lieux avec cet homme qui fut pour elle, non seulement le maître d’œuvre qui assurait la bonne marche de ses propriétés mais qui, au fil des années est devenu son ami, son confident… Il pourrait m’en conter …, mais de ces secrets là…, je n’en saurai jamais rien… !
Pour ma part, dans ma prime jeunesse c’était le temps des vacances, de l’insouciance, des escapades sans dire mot à personne, en culottes courtes, du Camus notre point d’attache monfortais j’allais au village, ce qui à l’époque pour le gamin que j’étais…, était toute une aventure… ! Après avoir gravi la côte du Christaou je descendais vers un autre monde empli de tendresse où flottait toujours dans l’atmosphère de merveilleuses senteurs de préparations culinaires qui mijotaient en continu sur le piano…, chez « Marraine Jeanne » ! J’ai compris bien plus tard qu’elle savait que l’Art culinaire était un véritable langage d’Amour. Et puis…, et puis c’est elle qui m’a initié aux divins délices du vin de noix qui m’enivrait avec une seule gorgée de la valeur d’un dé à coudre … ! Et cette colline de Saint Joseph dont quelques arpents de garrigue faisaient partie du patrimoine familial, où se trouvait là un petit cabanon où je passais le plus clair de mon temps, en toute liberté, laissant mon esprit vagabonder de concert avec le chant des cigales et les senteurs exhalées par les essences de cette belle végétation provençale… Au sommet de cette colline se trouvait une magnifique bastide nommée Bellevue qui appartenait à l’époque à Octave, le demi-frère de mon grand-père Fernand et à « marraine Jeanne » sa femme. Nous y avons passé des vacances familiales où mon activité principale était la pêche à la truite et la seule « corvée », aller chercher l’eau pure au puits …, et puis ces ballades dans la campagne où, lorsqu’un orage se déclenchait je cherchais sous la pierre sise devant la porte du premier cabanon venu…, la clef… ! Personne n’avait rien à redire… t’as bien fait petit… !
Je suis pour l’heure complètement agnostique, mais un jour peut-être, l’Esprit d’un moine des Spéluques viendra me visiter pour m’annoncer avec certitude que Le Grand Ordinateur de l’Univers est bien à l’origine du Big-bang…, j’attends… ! Cependant je crois quelque part à une sorte de transcendance laïque qui nous relie à notre environnement naturel, aux Forces de l’Esprit qui agissent en sorte que certains personnages aujourd’hui disparus, dont j’ai eu la chance de croiser le chemin, ont marqué ma vie, souvent à leur insu et qui, face à une quelconque situation problématique ressurgissent spontanément et me susurrent tu devrais…, il conviendrait…, à ta place je ferais…, tu aurais dû…, ils me donnent des conseils souvent des plus avisés, qu’à tort, je le reconnais, je n’ai pas toujours suivis…! Et puis quelle Force m’a poussé, lorsque j’ai quitté Montfort pour aller vivre dans une ancienne bergerie, La Cabrière, sise dans les hauts de Cotignac, à immédiatement sceller sur le piédroit de la porte d’entrée, la belle plaque en cuivre de mon grand-père Fernand Meiffren. Ce petit essai dans ce moment de mon parcours de vie est peut-être aussi une tentative de faire remonter des profondeurs quelques sensations délicieuses d’antan… Ça semble fonctionner car, à travers ce retour sur le passé, je me remémore, voire découvre des personnalités extraordinaires de cette famille Meiffren au sein de laquelle je me sens bien…, c’est apaisant, surtout dans le contexte social, économique et politique que l’on vit actuellement, d’où ce titre Le passé éclaire le présent - Ne coupons pas nos racines… ! Quelque part je me sens investi en souvenir de cette mère appelée affectueusement au pays Yvonnette, et par tous ces Meiffren disparu, pour les rappeler aux bons souvenirs du village car, comme nous allons le voir ils ont animé et œuvré avec bien d’autres Montfortais, à son adaptation au monde économique « moderne » dans cette seconde moitié du 19ème siècle, première moitié du 20ème siècle.
Le temps passant, ma vie active fut happée par un merveilleux métier, extrêmement prenant, Restaurateur-Conservateur de Peintures Murales, qui m’a conduit à travailler dans nombre de contrées françaises, mais mon siège social a toujours été à Montfort, au Camus bastide familiale dans un premier temps, puis dans cette merveilleuse maison du Logis au village, rue de la Glacière. Ce métier m’a fait le don de pouvoir côtoyer des personnages merveilleux. J’ai eu la chance d’être un élève de Paolo et Laura Mora à Rome qui sont à l’origine de la Restauration de Peintures Murales « moderne » en mettant en application sur le terrain les idées de notre grand théoricien en la matière Mr Cesare Brandi La théorie de la restauration. Et puis, mon Maître en la matière Mr T.A Hermanès à Genève, des historiens, des archéologues comme Charles Bonnet et ses deux acolytes Gérard Deuber et Alain Peillex, des historiens et historiennes de l’art comme Erika Deuber-Pauli ou Jeanne Laurence Guinand (Restauratrice au Louvre), des architectes en Chef comme J.L Taupin ou D. Repellin, les scientifiques de l’Ecole polytechnique de Lausanne, sans oublier, la retraite venue, la rencontre avec un homme de qualité, d’humilité, d’écoute et de grande culture et d’élévation de la pensée, avec une vision de notre histoire régionale qui m’a été d’une grande utilité, Guillaume de Jerphanion. Ces personnages ont, au fil du temps, peaufiné mes réflexions de telle sorte que mon regard sur le village s’est porté tout naturellement sur des centres d’intérêts que jadis je ne soupçonnais même pas. Tous ont en commun d’avoir des principes bien établis sur les sujets qu’ils traitent : prévention, conservation, protection, « résurrection » parfois, connaissances pointues avec pour seul but in fine transmettre les œuvres ou les sites archéologiques, enrichis de tout leur savoir et des hypothèses qu’ils ont pu établir, afin que d’autres puissent à leur tour s’en emparer et perpétuer ainsi les études…, certitudes de l’instant, puis comprendre en fin de compte que rien n’est jamais définitif… ! Cette évidence nous oblige à humilité car, au regard de l’Histoire, de l’accélération des modes de vie et de penser, l’instant présent n’est somme toute et pour l’éternité qu’une sorte de « Moyen-Âge » du futur… !
Ce sont certainement ces principes qui ont guidé ma démarche dans cet essai, et conduit naturellement avant d’entrer dans le vif du sujet « la Famille », à tenter d’expliquer comment Montfort est devenu ce qu’il est aujourd’hui, en écrivant après « ce préambule » une tentative de genèse du village qui doit être considérée, je me dois de bien le préciser, comme une proposition qui se devra d’être vérifiée par des spécialistes plus qualifiés que moi, n’étant ni archéologue ni historien.
Puis, à travers la période que j’ai choisi de traiter, 1850-1950, je vais tenter de comprendre qu’elle fût la part qu’a pris ma famille (les Meiffren) en ces temps cruciaux pour conduire cette petite cité vers la modernité, car je pense que c’est un bel exemple comme nombre d’autres familles auraient pu l’être tout autant (Les Revertegat, les Reboul, les Mouton etc…). Chacune de ces familles a participé activement à cette sorte de saga que fût la création des Cercles, des Syndicats, enfin des Coopératives. L’origine sociale des créateurs de ces entités fût d’une extrême diversité des professions même si, dans la majorité des cas, tous avaient en commun d’être qualifiés de propriétaires… De plus, ils pouvaient se trouver, comme nous allons le voir, autant dans la mouvance politique blanche que dans celle des rouges et faire partie du Conseil municipal de la Mairie, indiquant ainsi la relation étroite entre la coopérative et la sphère politique. Ma famille est typique. Ainsi le père de ma grand-mère, Silvain Sieyès (1860-1942), outre ses talents de poète, et bien que s’occupant de la poste de Montfort était propriétaire et a fait partie du Conseil d’administration de La Vigneronne (les Blancs) en 1920. De même, le père de mon grand-père Marcellin Meiffren (1850-1928), propriétaire, fit partie du Conseil d’Administration de La Montfortaise (les Rouges) au moment de sa création en 1908, puis en 1913. Il fut adjoint au Maire Charles Renoux de 1912 à 1918. Mon grand-père Fernand Meiffren (1887-1951), ingénieur sortant de l’Ecole des Arts et Métiers d’Aix-en-Pce, propriétaire, fit parti du Conseil d’administration de La Montfortaise au moment de son inauguration officielle en 1913 en tant que vice-président et, sur son avis de décès on peut lire Président de la coopérative agricole « Le Labour » dont il fut aussi le commissaire aux comptes dans les années 1946-1948. Mon grand-oncle, Octave Meiffren (1873-1953) quant à lui, a fait partie du Conseil d’Administration de La Montfortaise au moment de son inauguration le 14 septembre 1913 et fut également adjoint au Maire Charles Renoux de 1919 à 1928… De plus, et c’est important dans mon sujet, ce grand-oncle Octave a eu comme parrain M. Octave Vigne originaire du village, qui fût conseiller général du canton de Cotignac en 1895, président du conseil général du Var en 1901 et, après une première tentative en 1898, fut finalement élu député du Var de 1902 à 1919 inscrit au groupe socialiste. Tous deux étaient des amis de Clémenceau qui est venu les visiter à Montfort lors de l’une de ses dernières tournées en pays varois en 1904… Je me dois aussi de citer Alexandre Reboul (1861-1940), propriétaire, qui a eu le bon goût d’épouser la sœur de mon arrière-grand-père maternel sylvain Sieyès et qui fit parti du Conseil d’administration de la Vigneronne en 1921, ainsi que Joseph Meiffren (1811-1895), grand-père maternel d’Octave, qui fût premier adjoint du Maire Joseph August Revertégat (1814-1889), grand-père paternel de Jeanne la femme d’Octave Meiffren, de 1842 à 1843 et de 1849 à 1854, du Maire Ferdinand Revertégat, puis lui-même Maire de 1854 à 1859 et en 1855, enfin de nouveau premier adjoint du Maire Emilien Paul Robernier de 1866 à 1869.
Les villageois de Montfort ont été gratifiés, outre la venue de Clémenceau, de celle du sous-secrétaire d’Etat des Postes et Télégraphes Mr Bérard, sans oublier aussi qu’est né et a vécu en notre village Joseph-Louis Lambot (1814-1887) ingénieur, inventeur du ciment armé…., ce qui pour ce si petit village… !
Ainsi, vais-je tenter de faire revivre les Meiffren au service du village, de son organisation économique et politique, avec ses divergences, mais souvent aussi avec l’interpénétration des idées des Rouges et des Blancs. Cela devrait permettre de mettre en exergue quelques-unes de ces personnalités, de quelques bords qu’elles fussent, qui se sont battues pour le bien commun avec des heurts bien sûr mais aussi, dans le contexte difficile de cette période (1850-1950), sont parvenu à finir avec sagesse à résoudre les problèmes, en faisant fi de leurs divergences, des tensions entre métayers et propriétaires, et des clivages politiques par la négociation, afin de convenir ensemble quel groupe ou quelle famille contrôlerait la mairie ou la coopérative… ! C’est ce que je vais tenter de faire en faisant côtoyer La Petite Histoire et La Grande Histoire qui, dans le fond me touche plus…! Cette recherche repose donc sur mes investigations personnelles et le fruit de discussions avec des montfortais qui ont la mémoire de ces temps qui nous paraissent d’un autre temps mais pourtant pas si lointains que ça… !
Gérard EMOND
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